le doxaphobe

le doxaphobe

société


Network

 

 

 

 

     Network c’est ce film de 1976, un chef-d’œuvre oublié, amené à ma connaissance par le bougre Aldo, et pourtant tellement actuel. Mais le meilleur des synopsis ne remplirait jamais aussi bien son rôle que ce qui suit. Vous trouverez ci-dessous deux extraits de monologues, à vrai dire des discours, présents dans le film. En cas de réclamations la traduction a été faite par mes soins. Si vous estimez, après la lecture de ces deux extraits, que votre temps n’est pas à la hauteur de ces 121 minutes cinématographiques c’est qu’il faut sérieusement songer à revoir vos priorités.

 

 

Speech 1 :

 

 

     I don't have to tell you things are bad. Everybody knows things are bad. It's a depression. Everybody's out of work or scared of losing their job. The dollar buys a nickel's worth; banks are going bust; shopkeepers keep a gun under the counter; punks are running wild in the street, and there's nobody anywhere who seems to know what to do, and there's no end to it.

 

     Je n’ai pas besoin de vous dire que les choses vont mal. Tout le monde sait que les choses vont mal. C’est une dépression. Tout le monde est sans emploi ou a peur de le perdre. Le dollar ne vaut même pas un nickel (pièce de 5 cents), les banques font faillite, les commerçants gardent des pistolets sous leurs comptoirs. La racaille court les rues, et il ne semble pas que qui que ce soit sache ne quoi faire, et c’est sans fin.

 

 

     We know the air is unfit to breathe and our food is unfit to eat. And we sit watching our TVs while some local newscaster tells us that today we had fifteen homicides and sixty-three violent crimes, as if that's the way it's supposed to be!

 

     Nous savons que l’air est impropre à la respiration et que notre nourriture est impropre à la consommation. Et on s’assoit, regardant la télévision pendant qu’un présentateur local nous dit qu’aujourd’hui nous avons eu 15 homicides et 63 crimes violents, comme si c’était l’ordre normal des choses !

 

 

     We all know things are bad -- worse than bad -- they're crazy.

 

     Nous savons tous que les choses vont mal – pire que mal – elles sont folles.

 

 

     It's like everything everywhere is going crazy, so we don't go out any more. We sit in the house, and slowly the world we're living in is getting smaller, and all we say is, "Please, at least leave us alone in our living rooms. Let me have my toaster and my TV and my steel-belted radials, and I won't say anything. Just leave us alone."

 

     C’est comme si tout était devenu fou, partout, alors nous ne sortons plus. Nous nous asseyons dans nos maisons, et lentement le monde dans lequel nous vivons rétrécit, et tout ce que nous avons à redire c’est «  S’il-vous plaît laissez-nous tranquilles dans nos salons. Laissez-moi avoir mon grille-pain et ma télé et ma radio. Et je ne dirais rien, simplement laissez-nous tranquilles ! »

 

 

     Well, I'm not going to leave you alone.

 

     Et bien, je ne vais pas vous laissez tranquille !

 

 

     I want you to get mad!

 

     Je veux que vous vous mettiez en colère !

 

 

     I don't want you to protest. I don't want you to riot. I don't want you to write to your Congressman, because I wouldn't know what to tell you to write. I don't know what to do about the depression and the inflation and the Russians and the crime in the street.

 

     Je ne veux pas que vous manifestiez. Je ne veux pas que vous fassiez d’émeutes. Je ne veux pas que vous écriviez à votre député, car je ne saurais quoi vous dire d’écrire. Je ne sais pas quoi faire à propos de la dépression et de l’inflation ni des Russes ou du  crime qui dévore les rues.

 

 

     All I know is that first, you've got to get mad.

 

     Tout ce que je sais c’est que d’abord vous devez vous mettre en colère !

 

 

     You've gotta say, "I'm a human being, goddammit! My life has value!"

 

     Vous devez dire « Je suis un être humain, bon sang ! Ma vie a de la valeur ! »

 

 

     So, I want you to get up now. I want all of you to get up out of your chairs. I want you to get up right now and go to the window, open it, and stick your head out and yell,

 

     Donc je veux que vous vous leviez maintenant. Je veux que vous vous leviez tous de votre chaise. Je veux que vous vous leviez tout de suite et que vous alliez à votre fenêtre, que vous l’ouvriez, que vous glissiez votre tête dehors et que vous criiez

 

 

     "I'm as mad as hell, and I'm not going to take this anymore!!"

 

     «  Je suis en colère comme jamais et je ne vais plus supporter ça ! »

 

 

 

Speech 2 :

 

 

     Because less than 3 percent of you people read books.

Because less than 15 percent of you read newspapers.

Because the only truth you know is what you get over this tube.

 

     Parce que moins de 3% d’entre vous lisent des livres.

Parce que moins de 15% d’entre vous lisent les journaux.

Parce que la seule vérité que vous connaissiez est celle qui sort de cette télé.

 

 

     Right now, there is a whole, an entire generation that never knew anything that didn't come out of this tube.

 

     En ce moment même, il y a une complète, une entière génération qui n’a jamais connu quoique ce soit qui ne soit pas sorti de cette télé.

 

 

     This tube is the gospel, the ultimate revelation.

This tube can make or break presidents, popes, prime ministers.

This tube is the most awesome goddamn force in the whole godless world.

 

     Cette télé est l’évangile, la révélation ultime.

Cette télé peut construire ou briser des présidents, des papes, des premiers ministres.

Cette télé est la plus formidable des forces de ce monde impie.

 

 

      And woe is us if it ever falls into the hands of the wrong people. (…).And when the 12th largest company in the world controls the most awesome goddamn propaganda force in the whole godless world, who knows what shit will be peddled for truth on this network.

 

     Et malheur à nous si elle tombe entre les mains des mauvaises personnes. (…) Et quand la 12ième plus grosse entreprise au monde contrôle la plus incroyable force de propagande en ce monde impie, qui sait quelle merde sera colportée comme vérité sur ce réseau.

 

 

     So, you listen to me. Listen to me!

Television is not the truth. Television's a goddamn amusement park. Television is a circus, a carnival, a traveling troupe of acrobats, storytellers, dancers, singers, jugglers, sideshow freaks, lion tamers, and football players.

We're in the boredom-killing business.

 

     Donc écoutez-moi bien. Ecoutez-moi !

La télé n’est pas la vérité. La télé n’est qu’un foutu parc d’attractions. La télé est un cirque, une fête foraine, une troupe d’acrobates nomades, des conteurs, danseurs, chanteurs, jongleurs, bêtes de foire, dresseurs de lions et joueurs de foot.

Notre business c’est de tuer l’ennui.

 

 

     So if you want the Truth, go to God.

Go to your gurus.

Go to yourselves !

Because that's the only place you're ever gonna find any real truth.

 

     Alors si vous voulez la Vérité, allez à Dieu.

Allez à vos gurus.

Allez à vous-mêmes.

Parce que c’est le seul endroit où vous trouverez la moindre vraie vérité.

 

 

     But, man, you're never gonna get any truth from us. We'll tell you anything you wanna hear. We lie like hell. We'll tell you that Kojak always gets the killer and that nobody ever gets cancer at Archie Bunker's house. And no matter how much trouble the hero is in, don't worry. Just look at your watch. At the end of the hour, he's gonna win. We'll tell you any shit you want to hear.

 

      Mais, mec, tu n’obtiendras jamais la moindre vérité de notre part. On te dira tout ce que tu as envie d’entendre. On te dira que Kojak (personnage de série télé U.S éponyme) attrape toujours le meurtrier et que personne n’attrape le cancer dans le bunker d’Archie (référence à la série « All in the family »). Et peu importe la quantité d’ennuis dans laquelle le héros se trouve ne vous faites pas de soucis. Regarder simplement votre montre. A la fin de l’heure, il gagnera. On te dira n’importe quelle merde tu as envie d’entendre.

 

 

     We deal in illusions, man. None of it is true!

But you people sit there, day after day, night after night -- all ages, colors, creeds.

We're all you know!

 

     On trafique avec les illusions, mec. Rien de tout cela n’est vrai !

Mais vous, vous restez là, jours après jours, nuits après nuits – de tous les âges, couleurs, croyances.

Nous sommes tout ce que vous connaissez !

 

 

     You're beginning to believe the illusions we're spinning here!

You're beginning to think that the tube is reality and that your own lives are unreal.

 

     Vous commencez à croire toutes illusions qu’on diffuse ici.

Vous commencez à croire que la télé est la réalité et que vos propres vies sont irréelles.

 

 

     You do whatever the tube tells you

You dress like the tube.

You eat like the tube.

You raise your children like the tube.

You even think like the tube.

 

     Vous faites tout ce que la télé vous dit,

Vous vous habillez comme à la télé

Vous mangez comme à la télé

Vous éduquez vos enfants comme à la télé

Vous pensez même comme à la télé.

 

 

     This is mass madness, you maniacs!

In God's name, you people are the real thing.

We are the illusion!

 

     C’est de la pure folie, bande de fous !

Nom de Dieu, vous êtes la réalité !

Nous sommes  l’illusion !

 

 

     So turn off your television sets. Turn them off now! Turn them off right now! Turn them off and leave them off. Turn them off right in the middle of this sentence I'm speaking to you now.

 

     Alors éteignez vos postes de télévision. Eteignez les maintenant !  Eteignez les maintenant ! Éteignez-les et laissez-les éteints. Éteignez-les en plein milieu de cette phrase. Je vous parle à vous maintenant.

 

 

Turn them off!!

 

Éteignez-les !

 

 

 


26/02/2014
0 Poster un commentaire

Godin's familistère

             Putting aside the recent « liberal » decisions of our dear pedal boat captain, the old socialist dream stays actual. Cohn-bendit’s french socialist « manifest destiny » isn’t fom yesterday. Neither is their stupidity, Crs (french anti-riot police) = SS they said, i shit you not ! Half a century ago they already had that despicable way of deciding what’s the common good.

 

            From the start of the XIX th century numerous socialist attempts, that we, probably, would call nowadays « living together responsability of citizenship supported by actionnality prerogatives » were conceived by clowns with big dreams (usually it’s their feet).

 

               Our mind will directy go to the 100 % pure juice version of it, wich it’s worst legacy  is probably the growth of moustachioed too prood not to feel the need to compensate‘s giant statues and other paintings of smiling fat, bold, chinese man that seems to say «if only you knew about the feasts we have at the imperial palace ! But we do that for your own good. Of course it’s a way to fight capitalism ! Oh look, the queue is moving, only eight hours and thirty-five minutes ‘till you get your piece of bread », propagandart, when you inspires us !

 

                However there are more confidential versions of these experiments, one of them in particular. I personnally feel uncomfortable at the simple view of these photos. Wow, Wow hold your horses, I feel like some of you are already thinking about illuminaty mad scientists. And no it’s not about patients that would have went under the scalpel of doctors who could make Mangele blush either. No, you know that by now, fear is a way more subtile emotion. Here it’s provocated by Godin’s familistère. From the beginning we know what we are dealing with as Larousse (french dictionnary) defines it as a  « worker’s cooperative of PRODUCTION ».

 

palais-social-du-familistere-de-guise-a-lachevement-du-pavillon-central-en-1865-photographie-anonyme-coll-familistere-de-guise-133.jpg

 

                 Godin, self-made man, craftsman’s son, made a fortune in the stove business (you can’t make up these things !). You have to give him the credit of a good businessman though. And even if the stove business seems quite easy to make fun of, Godin successed in building a strong and innovative company throughout the years. The man is simple, forged by his years of compagnonage (after their training some young craftsman make a trip around France to experiment their skills), he had the, almost obvious, idea to use cast-iron instead of tin, making the conductivity and the efficiency of the stoves better. At the dawn of the industrial revolution, the condition of this newly-born social class, the proletariat, is dramatic. This misery, he sees and experiences it everyday during his compagnonage. The housing condition is particularly traumatizing for him.

 

                At the age of 23, he gets interested by Charles Fourier’s theories, a socialist utopist with so much ridiculous theories and initiatives that it could not even fit in an encycloepedia. If, nowadays, USA uses Europe to test their social experiments, there was a time the roles were the other way around. So, in 1855, he financed a phalanstère (camrade Fourier’s brillant idea) in the middle of Texas, probably one of the least ridiculous idea that came out of these lands at that time. And already he faced a problem that we, the French, know well, a 100 billions problem. Indeed, he lost half of his fortune in the project. He decided then he would much rather prefer waste the other half in his own stupidities.

 

kl.JPG

 

                  So Godin’s project consists, mainly, in the build of a social Palace in which worker’s family would have a flat and could benefit from a range of free services, assuring the morality of the project and the well-being of the workers. The anarchist encyclopedia ads that it’s about «substitute the harmony of cooperation to the chaos of concurrence». To summerize we can say that it’s about Godin creating his own utopy and choosing his subject’s conditions of living, an IRL sims to simplify.

 

y.JPG

 

                 And so Godin starts creating his own architectural plans. The palace will be divided in 3 units that would have, each, inside, an empty space covered by glass. They also would have diverse entities of service. You can clearly see, through the design of it, the will of making a social palace, a brick version of Versailles (french king’s castle under the monarchy). The familistère is implanted on a 6ha island connected to the Stove’s factory by a bridge. Among the different services, you’ll find the infamous économats, simple principle, it’s a general store that provides all the goods a worker could need, of course these were managed by Godin’s company. Womens, with notebooks, would go shopping all the needed items and the bill was reported on the notebook. Every two weeks, the workers would recieve their paycheck and the bills were substracted from it directly, you won’t find a better way to make sure everybody pays.  But there was also a nursery, schools, a swimming pool, a stage… When Godin died, the nearly 300 workers became owner of the capital.

 

fswdf.JPG

 

                Don’t you think the familistère ressembles more and more a miniature scale of something we already know well ? A geographically isolated land, control over economy, over education, over culture, the distribution of the capital to the people, all of that around the central notion of work ? Really, you still don’t get it ? The dangerous aspect of the project doesn’t lay on it’s own nature. On a general view, Godin’s workers had a life with globally higher standards of living and the possibility to choose their own destiny. But Godin’s view wasn’t limited to a local scale, he wanted to seduce politicians et introduce his ideas to society in general, through reforms and laws. He wanted, no matter what, to apply his ideas without the loss in work force that would result of a revolution (yeah I know, I’m a bit harsch on the guy). The familistère wasn’t more than a small experiment that never concerned more than a few hundreds of people. No, the real danger is in his global vision of society and his ambitious set of mind. To me, all the conditions are present to lead to serious drifts, without Godin’s death …. Of course you can’t do anything but imagine what could have happened and it’s precisely the argument Godin’s supporter will use. The same communists use : «it went wrong yesterday because some people took advantage of the system but if we were to try again today everything would be perfectly fine ».

 

Capture.JPG

 

                How did this all ended ? No more money, no more familistère. Despite the few attempts of american Fouriérists, the end is always the same : no more money, the party is over. Prediction ? Don’t tell me ! But to be fair, I have to admit that the utopy lasted until 1967, when the company got sold because of bankruptcy. Today the brand Godin’s stoves still exists and a few rare families still live in the familistère, even though there are no more free services or anything. The building is protected as an historic monument, a part of it will transformed in an conference hotel and the rest will be used to teach tourists about it and host the last families.


08/02/2014
0 Poster un commentaire

Le familistère de Godin

           

                Malgré les récentes hérésies « libérales » de notre bricoleur en chef, le vieux rêve socialiste reste d’actualité. La « manifest destiny » française version socialiste de Cohn-Bendit. Cie et autres inepties ’68ardes (« crs=ss » qu’ils disaient, si, si !) ne datent pas d’hier. Un siècle plus tôt ils avaient déjà cette fâcheuse tendance à décider de ce qui était le bien commun.

 

            Dès le début du XIXe siècle de nombreuses tentatives socialistes, que l’on qualifierait sans doute aujourd’hui de « circulaires d’actionnalité à la responsabilité citoyenne du vivre-ensemble (avec prérogative à l’intentionnalité éco-citoyenne)» étaient menées par des clowns aux grands rêves (d’habitude c’est les pieds).

 

              On pensera tout d’abord à la version 100% pur jus dont l’héritage le plus néfaste est sans nul doute la croissance, tel des champignons, de statues géantes de moustachus trop fiers pour ne souffrir d’un besoin de compenser et autres peintures de gros chinois, dégarnis, hilares, semblant s’adresser aux masses l’air de dire « Si tu savais ce qu’on se met au palais impérial ! Mais sache qu’on se goinfre pour ton bien. Bien sûr que c’est une manière de combattre les méchants capitalistes ! Oh regarde la queue avance, plus que 8 heures et 35 minutes et tu l’auras ton bout de pain », propagandart quand tu nous tiens !

 

             Néanmoins il existe des versions plus confidentielles de ces expériences, l’une d’elles en particulier. Je ressens personnellement à la simple vue de ces photographies un certain malaise. Ola, ola on se calme, je sens que certain ont déjà fait le rapprochement avec  les savants fous illuminatis maçonniques. Dégonflons tout de suite le soufflé, il ne s’agit pas de patients passé entre les mains de docteurs qui feraient rougir Mangele. Non, vous le savez maintenant cette impression est beaucoup plus subtile. Ici elle est provoquée par le FAMILISTERE DE GODIN. Dès le début la couleur est annoncée, Larousse définit le familistère comme « coopérative ouvrière de PRODUCTION ».

 

palais-social-du-familistere-de-guise-a-lachevement-du-pavillon-central-en-1865-photographie-anonyme-coll-familistere-de-guise-133.jpg

 

 

            Godin, parvenu, fils d’artisan, a fait fortune dans le business lucratif des poêles (ces choses-là ça ne s’invente pas). Il faut tout de même lui reconnaitre cette qualité d’homme d’affaires. Et même si le commerce de poêles de chauffage semble être enclin à la moquerie Godin a su construire une entreprise solide et innovante au fil des ans. L’homme est simple, forgé par ses années de compagnonnage, il a l’idée, presque évidente, d’utiliser la fonte à la place de la taule, améliorant ainsi la conductivité des poêles et donc leur efficacité. Une part importante des origines du familistère trouve ses fondements dans la simplicité de l’individu. A l’issue de la révolution industrielle, la condition de cette classe sociale, récemment apparue, le prolétariat, est dramatique. Cette misère il l’a côtoie et la partage dans ces années de compagnonnage. Leur condition de logement est particulièrement traumatisante pour Godin.

 

        Dès ses 23 ans, il s’intéresse donc aux théories de Charles Fourier, utopiste socialiste et drôle d’énergumène dont une encyclopédie entière ne suffirait pas à relater toutes les initiatives et théories loufoques. Si aujourd’hui les Etats-Unis se servent de l’Europe pour mener leurs expériences sociétales il fût un temps où les rôles étaient inversés. C’est donc en 1855 qu’il finança  un phalanstère (idée brillante du camarade Fourrier) au plein cœur du Texas, sans doute le moins ridicule de tous les projets qui émergeaient de ces terres. Et déjà à l’époque il fut confronté à un problème que nous autres français connaissons bien, un problème à plus de 1900 milliards. Il perdit, en effet plus de la moitié de sa fortune dans l’entreprise. Quelque peu frileux à l’idée de perdre l’autre moitié aussi bêtement, il décida qu’il serait préférable de le faire dans ses propres projets.

 

kl.JPG

 

 

       Avant de vous parler du projet à proprement parlé, penchons-nous sur l’étymologie du mot « familistère », Godin à la manière de Fourier créa ce mot de toutes pièces. Liaison évidente entre le mot famille et le suffixe –stère. Ce suffixe –stère, Fourrier l’a emprunté à la famille très restreinte des mots comme monastère, baptistère… qui vient du suffixe grec –stérion désignant un lieu. Familistère est donc le lieu où se regroupent les familles. Attention, dans le cas du phalanstère, phalange ne désigne pas les os de votre main mais a le sens du terme militaire grec et romain.

 

            Le projet de Godin consiste donc principalement en la construction d’un palais social dans lequel les familles des ouvriers se verraient attribuées des logements modernes et auraient à disposition divers services garantissant la moralité de l’entreprise et le bien-être des employés, l’encyclopédie anarchiste rajoute qu’il s’agit de « substituer l’harmonie de l’association au désordre de la concurrence », tout un programme. Bref, il s’agit pour Godin de créer sa propre utopie et de choisir les conditions de vie de ses cobayes, un sims IRl quoi.

 

y.JPG

 

        Godin s’attaque donc à la tâche de dessiner lui-même ses plans architecturaux. Le palais sera constitué de 3 unités, avec chacune une cour intérieure sous verrière, indépendantes et présentant chacune diverses entités de services.  On retrouve à travers cette architecture la volonté de construire un palais social, un Versailles de briques. Le familistère est implanté sur un terrain de 6ha, une presqu’île, reliée par un pont à l’usine. Parmi ces services, on retrouve les fameux économats, principe simple, il s’agit de commerces approvisionnant les ouvriers de tous les biens nécessaires, évidemment tout cela géré par l’entreprise. Les femmes munies de carnets constituaient des dettes que l’on n’oubliait pas de prélever sur les salaires des ouvriers lorsqu’ils recevaient leurs quinzaines. Mais l’on retrouve également une pouponnière, des écoles, une piscine, un théâtre… A la mort de Godin, les quelques 300 ouvriers sont devenus propriétaires du capital (Association du Travail et du Capital ou Société du Familistère).

 

fswdf.JPG

 

            Ne trouvez-vous pas que le familistère ressemble de plus en plus à un modèle réduit ? Un terrain géographiquement isolé, le contrôle de l’économie, de l’éducation, de la culture, la répartition du capital au peuple, tout cela disposé autour de la notion centrale du travail ? Vous n’y êtes toujours pas ? Le danger de l’initiative ne réside pas dans sa nature propre. En fin de compte les ouvriers qui travaillaient pour les poêles Godin ont eu, globalement, une vie avec des standards sociaux plus élevés que la moyenne et la possibilité de choisir leur destinée. Cependant les idées de Godin ne se limitaient pas à une simple application locale, celui-ci avait déjà à l’esprit de séduire les politiques et d’introduire la société à ses idées par des réformes politiques. Il voulait à tout prix imposer ses idées tout en évitant la perte dramatique en main d’œuvre que constituerait une révolution (oui, je sais, je suis dur avec lui). Le familistère n’était qu’une petite initiative qui n’a jamais concernée plus de quelques centaines de personnes. Non, le vrai danger vient de sa vision globale de la société et de son ambition. A mes yeux toutes les conditions sont réunies pour conduire à des dérives, sans la mort de Godin … Bien sûr on ne peut qu’extrapoler et c’est précisément l’argument qu’utiliserons ses défenseurs. Le même que celui qu’utilisent aujourd’hui les communistes : «  ça s’est mal passé hier parce que certain ont abusé du système mais si on recommençait aujourd’hui tout se passerait bien ».

 

Capture.JPG

 

 

             Ils n’abandonnent jamais, on peut au moins leur reconnaitre ça, comme des sangsues assoiffées ils s’accrochent au bon vieux rêve, ils infiltrent toutes les failles de notre société avec leur bouillie et y restent avec tellement de ferveur que le plus puissant des insecticides ne pourrait les déloger. Et ce n’est pas faute d’essayer, certains assaillants, désespérés, la rage au cœur, l’holothurie au cerveau, se sont mêmes armés de quenelles.

 

          Comment tout ça s’est terminé ? Plus d’argent, plus de familistère. Malgré quelques vaines tentatives de Fouriéristes américains la fin est toujours la même : plus d’argent, la fête est finie. Prédiction ? A qui le dites-vous ! Mais pour être juste il faut préciser que l’Association du Travail et du Capital a perdurée jusqu’en 1967 et ce n’est qu’à ce moment-là que l’utopie disparu vraiment, les poêles Godin rachetés par une autre entreprise. Néanmoins la marque existe toujours et quelques rares familles habitent toujours le familistère. Il est prévu qu’une des trois unités deviennent un hôtel pour conférenciers et que les deux autres soit réhabilités pour faire visiter le bâtiment et loger les rares familles restantes.

 

             Et comme le dirait un vieux sage :

 

 

« Poincaré, ficelle, saucisson  »


 


02/02/2014
2 Poster un commentaire