le doxaphobe

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Le familistère de Godin

           

                Malgré les récentes hérésies « libérales » de notre bricoleur en chef, le vieux rêve socialiste reste d’actualité. La « manifest destiny » française version socialiste de Cohn-Bendit. Cie et autres inepties ’68ardes (« crs=ss » qu’ils disaient, si, si !) ne datent pas d’hier. Un siècle plus tôt ils avaient déjà cette fâcheuse tendance à décider de ce qui était le bien commun.

 

            Dès le début du XIXe siècle de nombreuses tentatives socialistes, que l’on qualifierait sans doute aujourd’hui de « circulaires d’actionnalité à la responsabilité citoyenne du vivre-ensemble (avec prérogative à l’intentionnalité éco-citoyenne)» étaient menées par des clowns aux grands rêves (d’habitude c’est les pieds).

 

              On pensera tout d’abord à la version 100% pur jus dont l’héritage le plus néfaste est sans nul doute la croissance, tel des champignons, de statues géantes de moustachus trop fiers pour ne souffrir d’un besoin de compenser et autres peintures de gros chinois, dégarnis, hilares, semblant s’adresser aux masses l’air de dire « Si tu savais ce qu’on se met au palais impérial ! Mais sache qu’on se goinfre pour ton bien. Bien sûr que c’est une manière de combattre les méchants capitalistes ! Oh regarde la queue avance, plus que 8 heures et 35 minutes et tu l’auras ton bout de pain », propagandart quand tu nous tiens !

 

             Néanmoins il existe des versions plus confidentielles de ces expériences, l’une d’elles en particulier. Je ressens personnellement à la simple vue de ces photographies un certain malaise. Ola, ola on se calme, je sens que certain ont déjà fait le rapprochement avec  les savants fous illuminatis maçonniques. Dégonflons tout de suite le soufflé, il ne s’agit pas de patients passé entre les mains de docteurs qui feraient rougir Mangele. Non, vous le savez maintenant cette impression est beaucoup plus subtile. Ici elle est provoquée par le FAMILISTERE DE GODIN. Dès le début la couleur est annoncée, Larousse définit le familistère comme « coopérative ouvrière de PRODUCTION ».

 

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            Godin, parvenu, fils d’artisan, a fait fortune dans le business lucratif des poêles (ces choses-là ça ne s’invente pas). Il faut tout de même lui reconnaitre cette qualité d’homme d’affaires. Et même si le commerce de poêles de chauffage semble être enclin à la moquerie Godin a su construire une entreprise solide et innovante au fil des ans. L’homme est simple, forgé par ses années de compagnonnage, il a l’idée, presque évidente, d’utiliser la fonte à la place de la taule, améliorant ainsi la conductivité des poêles et donc leur efficacité. Une part importante des origines du familistère trouve ses fondements dans la simplicité de l’individu. A l’issue de la révolution industrielle, la condition de cette classe sociale, récemment apparue, le prolétariat, est dramatique. Cette misère il l’a côtoie et la partage dans ces années de compagnonnage. Leur condition de logement est particulièrement traumatisante pour Godin.

 

        Dès ses 23 ans, il s’intéresse donc aux théories de Charles Fourier, utopiste socialiste et drôle d’énergumène dont une encyclopédie entière ne suffirait pas à relater toutes les initiatives et théories loufoques. Si aujourd’hui les Etats-Unis se servent de l’Europe pour mener leurs expériences sociétales il fût un temps où les rôles étaient inversés. C’est donc en 1855 qu’il finança  un phalanstère (idée brillante du camarade Fourrier) au plein cœur du Texas, sans doute le moins ridicule de tous les projets qui émergeaient de ces terres. Et déjà à l’époque il fut confronté à un problème que nous autres français connaissons bien, un problème à plus de 1900 milliards. Il perdit, en effet plus de la moitié de sa fortune dans l’entreprise. Quelque peu frileux à l’idée de perdre l’autre moitié aussi bêtement, il décida qu’il serait préférable de le faire dans ses propres projets.

 

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       Avant de vous parler du projet à proprement parlé, penchons-nous sur l’étymologie du mot « familistère », Godin à la manière de Fourier créa ce mot de toutes pièces. Liaison évidente entre le mot famille et le suffixe –stère. Ce suffixe –stère, Fourrier l’a emprunté à la famille très restreinte des mots comme monastère, baptistère… qui vient du suffixe grec –stérion désignant un lieu. Familistère est donc le lieu où se regroupent les familles. Attention, dans le cas du phalanstère, phalange ne désigne pas les os de votre main mais a le sens du terme militaire grec et romain.

 

            Le projet de Godin consiste donc principalement en la construction d’un palais social dans lequel les familles des ouvriers se verraient attribuées des logements modernes et auraient à disposition divers services garantissant la moralité de l’entreprise et le bien-être des employés, l’encyclopédie anarchiste rajoute qu’il s’agit de « substituer l’harmonie de l’association au désordre de la concurrence », tout un programme. Bref, il s’agit pour Godin de créer sa propre utopie et de choisir les conditions de vie de ses cobayes, un sims IRl quoi.

 

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        Godin s’attaque donc à la tâche de dessiner lui-même ses plans architecturaux. Le palais sera constitué de 3 unités, avec chacune une cour intérieure sous verrière, indépendantes et présentant chacune diverses entités de services.  On retrouve à travers cette architecture la volonté de construire un palais social, un Versailles de briques. Le familistère est implanté sur un terrain de 6ha, une presqu’île, reliée par un pont à l’usine. Parmi ces services, on retrouve les fameux économats, principe simple, il s’agit de commerces approvisionnant les ouvriers de tous les biens nécessaires, évidemment tout cela géré par l’entreprise. Les femmes munies de carnets constituaient des dettes que l’on n’oubliait pas de prélever sur les salaires des ouvriers lorsqu’ils recevaient leurs quinzaines. Mais l’on retrouve également une pouponnière, des écoles, une piscine, un théâtre… A la mort de Godin, les quelques 300 ouvriers sont devenus propriétaires du capital (Association du Travail et du Capital ou Société du Familistère).

 

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            Ne trouvez-vous pas que le familistère ressemble de plus en plus à un modèle réduit ? Un terrain géographiquement isolé, le contrôle de l’économie, de l’éducation, de la culture, la répartition du capital au peuple, tout cela disposé autour de la notion centrale du travail ? Vous n’y êtes toujours pas ? Le danger de l’initiative ne réside pas dans sa nature propre. En fin de compte les ouvriers qui travaillaient pour les poêles Godin ont eu, globalement, une vie avec des standards sociaux plus élevés que la moyenne et la possibilité de choisir leur destinée. Cependant les idées de Godin ne se limitaient pas à une simple application locale, celui-ci avait déjà à l’esprit de séduire les politiques et d’introduire la société à ses idées par des réformes politiques. Il voulait à tout prix imposer ses idées tout en évitant la perte dramatique en main d’œuvre que constituerait une révolution (oui, je sais, je suis dur avec lui). Le familistère n’était qu’une petite initiative qui n’a jamais concernée plus de quelques centaines de personnes. Non, le vrai danger vient de sa vision globale de la société et de son ambition. A mes yeux toutes les conditions sont réunies pour conduire à des dérives, sans la mort de Godin … Bien sûr on ne peut qu’extrapoler et c’est précisément l’argument qu’utiliserons ses défenseurs. Le même que celui qu’utilisent aujourd’hui les communistes : «  ça s’est mal passé hier parce que certain ont abusé du système mais si on recommençait aujourd’hui tout se passerait bien ».

 

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             Ils n’abandonnent jamais, on peut au moins leur reconnaitre ça, comme des sangsues assoiffées ils s’accrochent au bon vieux rêve, ils infiltrent toutes les failles de notre société avec leur bouillie et y restent avec tellement de ferveur que le plus puissant des insecticides ne pourrait les déloger. Et ce n’est pas faute d’essayer, certains assaillants, désespérés, la rage au cœur, l’holothurie au cerveau, se sont mêmes armés de quenelles.

 

          Comment tout ça s’est terminé ? Plus d’argent, plus de familistère. Malgré quelques vaines tentatives de Fouriéristes américains la fin est toujours la même : plus d’argent, la fête est finie. Prédiction ? A qui le dites-vous ! Mais pour être juste il faut préciser que l’Association du Travail et du Capital a perdurée jusqu’en 1967 et ce n’est qu’à ce moment-là que l’utopie disparu vraiment, les poêles Godin rachetés par une autre entreprise. Néanmoins la marque existe toujours et quelques rares familles habitent toujours le familistère. Il est prévu qu’une des trois unités deviennent un hôtel pour conférenciers et que les deux autres soit réhabilités pour faire visiter le bâtiment et loger les rares familles restantes.

 

             Et comme le dirait un vieux sage :

 

 

« Poincaré, ficelle, saucisson  »


 



02/02/2014
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