le doxaphobe

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philosophie


La dictature du bonheur

 

 

 

              L’hydre médiatique française n’étant qu’un énorme amas visqueux  de petits pois prémâchés, qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque mes oreilles subirent la douloureuse écoute du nouveau prêche à la mode, le bonheur. Si l’on était habitué à entendre le clergé ‘ricain nous rabattre les oreilles de l’évangile et de la « positive attitude » et de la quête du bonheur, jamais au grand jamais mon imagination n’aurait pu, ne serait-ce que concevoir,  la vision terrifiante de la contamination française. Vous savez ce pays de petits bonhommes grincheux, pessimistes et déprimés. Ce pays classé en dessous de la 30e  place du classement du bonheur déclaré. Ce pays où pourtant la morosité n’a jamais semblé poser problème. Oui celui-là, en proie à de tels parasites ?

 

 

                Désormais toutes les études sortant des « très prestigieuses universités de …. » sous la supervision du fameux « prix Nobel X en trucsmachinlogie », encensées par les « très sérieuses revues (insérez nom) » sont au cœur de l’attention des désormais célèbres «  ménagères de moins de 5… ». Ha…  je n’ai même pas la force de finir la formule fatidique.

 

 

                Ainsi les plus vagues élucubrations vous expliqueront quels aliments, à quelle heure, en quelle quantité sont bons à consommer pour « être plus heureux ». Mais aussi quoi lire, quoi penser, quoi aimer, quand dormir, quand faire du sport, quel sport, quels films …. La liste est tellement longue que j’en suis essoufflé… oui, à l’écrit. Et tout ceci est d’une efficacité redoutable. Un sophisme tellement fort qu’il pourrait  concurrencer ceux de la psychanalyse. Vous critiquez une théorie freudienne ? C’est clairement l’expression d’un complexe dû à un refoulement de vos pulsions œdipiennes. Là, c’est pareil, vous osez émettre une critique sur la notion de bonheur ? Vous êtes un individu névrosé et dépressif, prenez la pilule bleu, c’est plus bisous. C’est presque un crime contre l’humanité, vous savez ? Oui, « négation du droit fondamental au bonheur », ça va vous coûter cher, canaille !

 

 

                Le bonheur c’est magique, on s’est embêter des années avec nos problèmes, comment trouver des solutions ? Que faire ? *facepalm de surprise* « Mais si que bien sûr ! Pourquoi est-ce qu’on ne se contente pas d’être heureux ? Vous pensiez que la médecine allait guérir votre cancer ?! Pauvre malheureux ! Soyez heureux, c’est gratuit, sauf qu’il faut quand même acheter ce qui vous faut pour le devenir, parce que faut pas déconner non plus, nous on veut bien être heureux aussi mais avec de l’argent dans les poches ».

 

 

                Mais le vrai nœud du problème, ici, n’est pas la recherche du bonh… (je n’en peux déjà plus d’écrire ce mot), mais la description uniforme et unilatérale qu’on en fait. C’est tout juste si l’on ne voit pas sur nos écrans des étudiants en sciences humaines, dreads au crâne, sarouel dit « ethnique » aux jambes, nous raconter leurs voyages en Inde à la recherche de leur « moi spirituel véritable ».

 

 

                Ainsi à travers tous ces fameux conseils prodigués on crée une espèce d’amas d’éléments très sages formant une image d’un bonheur aseptisé, une bouillisation fadouillarde, validée par tous ceux qui vous veulent du bien, et avant tout universelle, car ce sont, après tout, des aspirations vers lesquelles chacun devrait tendre, par décret. Et vous savez désormais comment cela fonctionne, télé- cerveau- assimilation- intégration et pouf ! Un troupeau à l’abattoir, un ! La méningère de moins de 50 neurones est maintenant sous le charme !

 

 

                Alors que se passerait-il si de méchants hérétiques dissidents, dans une crise de folie, osait dire, au milieu d’un flux ininterrompu de baragouinages et babillages divers, que peut-être (j’ai dit peut-être très cher maître) ce qu’on avait décidé pour eux ne leur convenait pas tant que cela ?

 

 

                Cette notion est d’une complexité bien trop grande pour laisser un vulgaire nain, enfermé dans une boîte à image, ou un philosophe des lumières à 15 watt fluocompactes (un gentil éco-citoyen, donc) en dicter les règles. Mais s’il y a bien un domaine dans lequel la culture de l’échec devrait être présente c’est bien dans celui du bonheur. Oh le méchant ! T’as vu Josette ! Le vilain monsieur y veut pas qu’on soit heureux !

 

 

                Attendez, attendez, malheureux ! Il est grand temps d’apporter à cet article une nuance très subtile, oui, j’ai dit nuances, N-U-A-N-C-E-S (le bonheur c’est bisous câlin et friandises). A mon sens le bonheur est la plus grande atrocité qu’un Homme puisse subir, le grand B peut se définir ainsi : état de complète satisfaction caractérisé sa stabilité et sa durabilité. Connaissez-vos une chose d’un tel ennui ?

 

 

                Un état de complète satisfaction, vous dîtes ? Par conséquent un état dénué de désir, un état statique, un état végétatif, une attente, un enfer… Oulala ma montre s’affole ! En tant qu’affreux jojo notoire, il est grand temps que je me rachète une conduite. -Elle arrive cette nuance oui ou merde ? Patience, la voici, si le bonheur constitue mon enfer personnel, qu’en est-il de la recherche du bonheur ? Un état de désirs en perpétuels renouvellements, un état mobile, une quête, un compromis (le meilleur possible) … Et si la satisfaction de la quête prévalait celle de la réussite ? Atteindre le bonheur n’est-il pas vain ? N’est-il pas gâché par ces deux satanées « relativisation » et comparaison » ? Le bonheur ne peut exister qu’en l’absence de référent, un état perdu il y a bien longtemps, la conscience, pour celui qui tend vers celui-ci, est notre plus grand ennemi. Et quel est le plus grand ennemi de notre conscience ? Plus fort ! Je ne t’entends pas avec le dolby de mon nouveau plasma !

 

 

             Si le bonheur est la satisfaction complète des désirs alors je sais que je ne l’atteindrais pas de mon vivant. Mon plus profond désir, l’obtention des réponses, des réponses à des questions dont l’être humain, moi le premier, ne comprend pas même le sens, est voué à l’échec. Je me suis d’ailleurs accommodé de cette frustration il y a bien longtemps.

 

 

Je suis navré si je vous ai laissez un goût de cendres dans la bouche, ça passera très rapidement en allumant votre TV.


14/02/2014
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